Esprit de compétition, souffrance, ambition : le sport est-il
vraiment conciliable avec les valeurs de l’Évangile ?
René Pichon : Il suffit de lire Saint Paul pour en être persuadé ! Saint Paul compare la vie chrétienne au sport. C’est très explicite dans la première lettre aux Corinthiens. Si l’on considère le sport comme une guerre avec des ennemis à abattre, alors il n’y a pas de rapport avec la foi. Mais le sport est bien autre chose que cela.
L’adversaire n’est pas un ennemi. L’adversaire est là pour se faire progresser soi-même. La compétition est bonne et nécessaire si l’on veut progresser. La compétition n’enlève pas la fraternité, au contraire, elle enrichit l’amitié. Cela suppose un certain état d’esprit : le respect et l’amour de l’adversaire. Nous sommes alors dans la perspective que le meilleur gagne, pas forcément soi-même. Il faut accepter de perdre et même de féliciter l’autre quand il nous a battu.
L’ambition est bonne également. L’ambition c’est vouloir être le meilleur possible en cherchant à être meilleur que les autres. C’est très différent de l’orgueil, qui est de se croire meilleur que ce qu’on est. Chacun doit être ambitieux mais pas orgueilleux. Dieu nous a donné des talents, il faut les faire fructifier !
Que nous apprend le sport ?
R. P. : Il nous apprend à croire en nous, mais aussi à rester humble. En faisant du sport, je sais ce que je vaux, j’apprends à me situer. Tant mieux ! Il nous apprend aussi que la souffrance fait partie de la vie. La société d’aujourd’hui n’accepte plus la souffrance. Or un sportif qui veut réussir est obligé de « se faire mal », non pas pour se détruire, mais pour devenir meilleur.
Comment l’expérience sportive peut-elle aussi être une expérience
spirituelle ?
R.P. : L’expérience sportive nous invite à aller au-delà de ses limites. On découvre alors qu’il y a plus grand que soi-même, on ressent une plénitude, un « état de grâce » comme disent les sportifs. C’est une autre manière de dire Dieu.
Ceux qui puisent au fond d’eux-mêmes rencontrent l’infini, la vraie vie. Les sportifs recherchent la sensation, c’est-à-dire un bien-être au-delà d’eux-mêmes. Pour moi, c’est pour cela qu’aujourd’hui le sport a autant de succès. Les gens cherchent autre chose que la vie banale. Par les sensations, on voit qu’il y a un au-delà de l’homme. « Au sommet de la montagne, il n’y a plus la montagne, il y a le ciel » disait Joseph Folliet*. Il s’agit quelque part d’entrer dans la dimension spirituelle de l’être.
Il y a aussi le sport de l’âme : développer la vie spirituelle comme on développe le corps. Le sport, c’est l’entraînement pendant des mois, des années pour progresser : une véritable ascèse. Pour la vie spirituelle, c’est pareil, il faut faire des exercices. La vie spirituelle est un entraînement !
La foi doit être une course : des efforts, pour arriver au but, dans l’espérance de la grâce, car c’est de Dieu que tout dépend !
*Prêtre, militant catholique, sociologue et écrivain français
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Les 3 livres du père Pichon (épuisés) peuvent être trouvés d’occasion sur internet :
« Le sport et la foi, la pastorale des champions » (éd. Cerf, 1981)
« La course de ma vie, Souvenirs d’un prêtre sportif » (éd. Cerf, 1992)
« L’âme du sport et le sport de l’âme »(éd. La Bruyère, 2015)